Le corollaire de l'abolition de la peine de mort devait être l'instauration de la prison dite "à vie". Or le débat actuel sur la légitimité et la pertinence de l'infliction d'une interdiction de libération aux détenus les plus dangereux démontre affreusement que cette question n'a pas été réglée.
En France la prison à perpétuité n'existe pas, seule une peine incompressible peut être infligée par un tribunal, la période dite "de sûreté" ne pouvant excéder 30 ans. En d'autres termes, la condamnation la plus lourde en France est de 30 ans de prison. C'est beaucoup, mais cela signifie aussi qu'une personne de 20 ans ayant encouru cette peine, considérée donc comme particulièrement dangereuse sort de prison à l'âge de 50 ans - 60 ans si elle a été condamnée à l'âge de 30 ans.
L'absence de perpétuité, et les conséquences dramatiques qu'elle provoque parfois, conduit donc à envisager d'interdire d'être libéré à des prisonniers ayant purgé leur peine. Nous sommes donc dans une situation où, ayant refusé de voter une peine réelle de perpétuité (appliquée par un jury, lors d'un procès d'assises), on envisage de priver administrativement de liberté des détenus jugés particulièrement dangereux et nécessitant des soins psychiatriques.
Si l'on considère ces détenus comme devant recevoir des soins, pourquoi leur infliger une peine de prison ? Ce qui transparaît en effet en filigrane de ce débat, c'est bien celui sur la responsabilité pénale. Pour louables que soient les motifs de l'instauration d'une rétention de sûreté, cette mesure met cruellement en lumière les approximations de la justice - donc de la loi - dans notre pays quant à la prise en charge, la punition et la prévention de la récidive chez les criminels les plus dangereux.
Il aurait été sans doute plus simple d'instaurer une vraie peine de perpétuité, dès lors que l'on considère que la dangerosité de certains individus ne décroît pas avec le temps.