Philippe Douste-Blazy, ministère des Affaires étrangères, vient de répercuter la forte parole présidentielle quant à l'innocuité de la future arme atomique iranienne. Comme à l'accoutumée, le génie français s'est niché dans la terminologie.
Utiliser le terme de "Nucléaire employé à des fins non militaires" pour qualifier la démarche de l'Iran qui serait acceptable par la communauté internationale, c'est à la fois prétendre ne pas avoir tergiversé sur les principes qui gouvernent la démarche de sanctions menées au Conseil de sécurité des Nations unies et à la fois accepter que l'Iran détienne l'arme atomique.
Il suffirait qu'ils y mettent un peu du leur, Chirac et Douste-Blazy viennent de leur montrer la voie : l'arme nucléaire française étant réputée être une arme de "non-emploi", elle peut donc être qualifiée de "Nucléaire employé à des fins non militaires". L'Iran n'aurait plus qu'à déclarer qu'à l'instar de la France, son armement atomique n'est qu'une arme de dissuasion censée prévenir les intérêts vitaux de l'Iran.
A ceci, de mauvais esprits (j'en suis !) objecteront que le concept de dissuasion du fort au faible de la France, sa doctrine de non-emploi, sont à ce point incompréhensibles par de potentiels ennemis, que la France s'est dotée d'armements nucléaires tactiques (employables sur un champ de bataille) et d'un corps de doctrine ("l'ultime avertissement") justifiant l'emploi éventuel de bombes atomiques de moindre puissance... Jacques Chirac est même allé plus loin encore. Dans son discours du 19 janvier 2006 aux forces aériennes et océanique stratégiques de Landivisiau/l'Ile Longue (Finistère), il a affirmé que : "...les dirigeants d'Etats qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d'utiliser, d'une manière ou d'une autre, des armes de destruction massive, doivent comprendre qu'ils s'exposent à une réponse ferme et adaptée de notre part. Et cette réponse peut être conventionnelle. Elle peut aussi être d'une autre nature." En d'autres termes, la France pourrait utiliser ses armes atomiques contre des Etats envisageant de recourir à des armements non conventionnels pour s'en prendre à elle. Pour une doctrine censée être de "non-emploi", du "Nucléaire employé à des fins non militaires", c'est bien guerrier...
Pour dissiper le doute, il suffirait que les autorités françaises utilisent la terminologie employée jusque là, en opposant le nucléaire civil (centrales fournissant de l'énergie) au nucléaire militaire (armement atomique, quel que soit son emploi). Mais le problème est que la France a envoyé 1 600 militaires au Liban et qu'elle craint les représailles de l'Iran via le Hezbollah (qui a déjà à son tableau de chasse un ambassadeur et plus d'une centaine de militaires français). En d'autres termes, Jacques Chirac a poussé des hauts cris durant la guerre au sud-Liban de l'été dernier, exigeant l'envoi de casques bleus ; maintenant qu'ils y sont, il se rend compte du piège dans lequel il a mis la France et flatte l'Iran pour obtenir sa mansuétude. Du beau boulot pour le "dirigeant le plus expérimenté au monde", comme l'affirment certains médias français.