La véritable originalité dans cette élection présidentielle réside dans la volonté partagée des candidats ayant quelque chance d'être élus de réformer en profondeur l'équilibre des institutions françaises en remettant en cause l'équilibre des pouvoirs entre l'exécutif sur le législatif - ou plus précisément le déséquilibre, puisque la prééminence accordée à l'éxécutif par la Constitution de la Vème République a conduit à une situation institutionnelle inusitée dans les démocraties : un président irresponsable politiquement (seul le gouvernement qu'il a nommé peut être renversé) aux pouvoirs pourtant sans équivalent.
Cette prééminence est, certes, excessive mais elle s'explique par l'histoire politique de la France, marquée par une instabilité chronique qui se reconnaît dont le nombre de textes constitutionnels (constitution, charte, acte additionnel, déclaration...) et de régimes essayés par notre pays : monarchie, république, empire... la France a appliqué tous les régimes politiques ou presque.
Oter au président de la République le droit de dissoudre l'Assemblée nationale ou, symétriquement, accorder à cette dernière le droit de le renverser, aboutirait inéluctablement à une profonde confusion institutionnelle. Il n'est que de voir le nombre élevé de candidats à chaque élection présidentielle, l'ouverture extraordinairement marquée du spectre politique en France pour saisir que les ressorts de la IVème république sont toujours à l'oeuvre.
Cela ne veut pas dire pour autant que que les rapports entre pouvoirs sont figés et qu'ils serait impossible de réformer le fonctionnement de nos institutions sans les mettre à bas. Rien, dès à présent, n'interdit au Parlement français, tout particulièrement l'Assemblée nationale, d'utiliser pleinement les pouvoirs qui lui sont dévolus : pouvoir budgétaire et pouvoir de contrôle. De même, une plus grande maîtrise de l'Assemblée sur son ordre du jour la renforcerait. Chaque pays a sa culture, son comportement propre, les régimes politiques en sont l'expression. Il est illusoire d'imaginer qu'un présidentialisme (législatif et exécutif autonomes, dépourvus de pouvoir de dissolution ou de renversement), pétri du sens de la négociation et du compromis anglo-saxon, pourrait prendre racine en France où les moeurs politiques sont caractérisés par l'excès et le bouillonnement.