Le débat entre services d'intérêt général assurés par le service public ou pris en charge par le secteur privé - débat légitime et nécessaire - est fondé sur des arguments très souvent erronés. Pour les uns, une prestation assurée par des entreprises privées seraient moins chère et de meilleure qualité ; pour les autres, seul le service public est à même de fournir une prestation de qualité... quel que soit le prix.
A l'observation, on se rend compte que chacun d'entre nous - en France en tout cas - a un niveau de patience et d'exigence radicalement différent suivant que c'est le public ou le privé qui fournit la prestation. Administrations et services publics sont astreints à une quasi perfection alors que le secteur privé a bien plus de marges de manoeuvre, tant dans la qualité de ses prestations que dans le délai de leur accomplissement.
Tout en réalité est une question de coût. Les prestations rendues par le public sont - à de très rares exceptions - de meilleure qualité que celles dispensées par le secteur privé. Le corollaire est que le service rendu par le public coûte plus cher que quand il l'est par le privé. Téléphonie et télématique, par exemple : la mise en concurrence de l'opérateur historique - France Telecom - a conduit à une baisse significative du coût des communications ; l'existence de plusieurs fournisseurs d'accès internet permet d'obtenir des tarifs très compétitifs. En revanche, la qualité du service relève des règles du marché : quand tout va bien le service est de qualité correcte ; au premier problème, le consommateur connaît l'enfer...
Très bizarrement, nous avons collectivement tendance à supporter davantage du privé que du public, alors que nous sommes bien plus concernés, au fond, dans nos rapports avec une entreprise qu'avec un service public - en particulier s'agissant de nos deniers. Le consommateur lambda ne supportera pas de patienter quelques minutes dans un bureau de poste, maugréant contre la paresse légendaire des agents publics, et - revenu chez lui - se fera tout miel pour obtenir qu'un artisan vienne reprendre le travail mal accompli lors de son précédent passage. Dans le premier cas, pourtant, le financement est mutualisé, social ; dans le second, il est personnel.
L'explication vient au fond de l'attachement des Français à leurs services publics, la proximité qu'ils ressentent à leur égard : on est souvent moins tolérants à l'égard de ceux qui nous sont proches. Cela ne veut pas dire pour autant que les services publics soient à l'abri de toute réflexion quant à leur efficacité. C'est juste qu'il faut avoir à l'esprit qu'il existe un "seuil" de service public en deçà duquel les économies conduisent à une dégradation de la prestation. On en a toujours pour son argent : un service de qualité coûtera partout et tout le temps plus cher qu'un service médiocre.