Comme souvent dans la société française, resurgit un débat tout aussi régulièrement enterré : à savoir la question de l'immigration, et son corollaire la capacité de la France à intégrer. De nombreux chercheurs closent ce débat en affirmant qu'il n'a pas lieu d'être en tant qu'il se fonde sur des fantasmes qui traversent toute société confrontée à l'émigration. Pour preuve, ils nous rappellent que les vagues d'émigration précédentes ont toutes donné lieu à des phénomènes de rejet, et que ce à quoi nous assistons aujourd'hui n'est qu'une manifestation épidermique, bien connue et transitoire, du corps social d'accueil.
A ce discours lénifiant, on peut opposer plusieurs arguments.
D'abord, ce n'est pas parce que les vagues d'immigration précédentes ont soulevé des réactions xénophobes sans fondements qu'ils n'y aurait pas aujourd'hui des problèmes structurels par delà les mêmes réactions instinctives de rejet - qui formeraient dès lors, un "bruit" masquant aux yeux des chercheurs la réalité des difficultés d'adaptation à la société française.
Ensuite, la grande différence entre l'immigration actuelle et celles auxquelles on a assisté dans le passé est que les vagues précédentes d'émigration étaient un agglomérat de destins individuels alors que l'immigration actuelle - tout particulièrement provenant du Maghreb - s'inscrit dans le contexte d'un projet politique de lutte sans merci contre le modèle occidental d'organisation sociale et de valeurs. Quand bien même la plus grande part des immigrés ou enfants d'immigrés de confession musulmane ne s'approprient en rien ce projet politique, il n'en reste pas moins que la concomitance du combat islamique contre l'occident et de vagues d'immigrés musulmans forme une dimension que les vagues précédentes d'immigration n'avaient pas.
Enfin, force est de constater, qu'il y a une grande différence dans le niveau d'intégration suivant l'origine des immigrés. Alors qu'elles sont contemporaines de l'immigration africaine et maghrébine, les immigrations asiatiques - en particulier provenant de l'ancienne Indochine française - ne donnent pas lieu (loin s'en faut) aux mêmes difficultés d'ajustement et d'intégration. Bien au contraire, on en est même aujourd'hui à se plaindre de l'intégration trop réussi des émigrés dits "chinois" qui rachètent à tour de bras magasins et boutiques dans les quartiers industrieux de Paris !