Honneur aux perdants tout d'abord. Contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer, François Bayrou a maintenu sa position au premier tour. On a beau considérer stérile son projet politique, et oiseux son positionnement idéologique, il est difficile toutefois de s'empêcher d'être admiratif devant l'exploit électoral. A partir de peu (un parti à l'audience confidentielle, un appareil réduit, des soutiens improbables), il a réussi par sa seule personnalité, son discours, à sortir de l'anonymat relatif de la campagne. Ses diatribes contre les médias ont porté, et lui ont valu un traitement de faveur. Chapeau donc.
Il ne s'en trouve pas moins dans une impasse. Les élections législatives se tiennent immédiatement après la présidentielle et les candidats sortants de l'UDF sont tous issus de la droite parlementaire. Si François Bayrou soutient Ségolène Royal (plus ou moins officiellement), l'UDF ne pourra pas, durant les législatives, compter sur des accords de désistement avec l'UMP qui lui ferait payer sa trahison, ce qui signifierait une défaite probable pour une part importante des quarante députés de l'UDF. Or les hommes politiques n'ont pas le sens du sacrifice : dès lors que leur champion n'a pas passé le 1er tour, les députés UDF ne songent désormais plus qu'à leur réélection... qui passe par des accords de désistement avec l'UMP. Si - au contraire - il soutient Nicolas Sarkozy, il tourne alors le dos à toute l'argumentation martelée durant la campagne électorale : comment justifier de soutenir Sarkozy quand, quelques jours auparavant, on annonçait prendre un premier ministre de gauche une fois élu ? Selon toutes probabilités, François Bayrou devrait se rabattre sur le tropisme habituel du centrisme : les prises de positions à géométrie variable, soutenant sans soutenir, changeant d'avis sans se renier...
L'autre grand perdant du 1er tour de l'élection présidentielle de 2007, il ne faut pas l'oublier, c'est Lionel Jospin. Comment ne pas l'imaginer amer et sombre devant la présence de Ségolène Royal au 2ème tour. Ce n'est pas là une question idéologique, mais déontologique, presque morale. Lui qui a fondé sa vie sur le combat politique, l'opposition des idées, la rigueur intellectuelle, la probité, le devoir de vérité asséné jusqu'à la grisaille, voit l'exact opposé de tout ce en quoi il croît purger son échec de 2002... C'est précisément son incapacité à rassembler la gauche, son échec donc, qui a permis que la candidature de Ségolène Royal - fondée sur l'image, l'empathie, l'instinct, la réactivité émotionnelle - soit portée par les électeurs qui lui ont fait tant défaut... par crainte justement de voir se rééditer le séisme de 2002.