Le succès de Nicolas Sarkozy - jusqu'à présent en tout cas - met cruellement en lumière l'incapacité de Rocard à surpasser Mitterrand. Dans le même contexte, la même situation à l'égard d'un président qui ne les supportait pas et oeuvrait à leur perte, Sarkozy a réussi à éliminer et surpasser Jacques Chirac, alors que Rocard est toujours resté tétanisé, au milieu du gué, alternant entre coups d'audace et soumission à l'égard de Mitterrand.
Mitterrand et Chirac... le premier a eu la chance de ne pas avoir un homme politique de la trempe de Nicolas Sarkozy sur sa route ; le second la malchance de ne pas croiser le chemin d'un Rocard dans son propre camp. Dans le premier cas, Mitterrand n'aura jamais été réélu (peut-être même pas élu du tout) ; dans le second, Chirac se sûrement présenté pour un troisième mandat...
Dans la course à l'histoire dans laquelle Jacques Chirac s'est lancé vis-à-vis de Mitterrand, resteront les 31 %, les 11 millions d'électeurs obtenus par Nicolas Sarkozy, en dépit de tous ses efforts pour torpiller la candidature de ce dernier.
Le parcours de Michel Rocard, son échec, ne peut que faire réfléchir aux handicaps de la deuxième gauche : faut-il conclure qu'à l'instar de Mendès France et de Rocard, les leaders de la sociale-démocratie sont condamnés à l'échec en France ? Ou bien faut-il considérer que l'insuccès des deux derniers ne relève que de leur personnalité ? Peut-être aussi que l'attrait qu'ils ont suscité reposait sur leur personnalité et sur leur refus des compromissions.
Pourtant, accéder au pouvoir réclame des compromissions ; les refuser est un gage d'inscription dans les manuels d'histoire au titre des hommes purs. Peut-être la deuxième gauche a-t-elle seulement besoin aujourd'hui d'un leader politique suffisamment habile pour accéder au sommet de l'Etat, et engager les réformes qu'elle promet depuis si longtemps.