Chassez le naturel, il revient au galop. Dans sa nouvelle formule, son nouveau concept, le journal Le Monde s'était engagé à faire plus court, plus ramassé, plus magazine et - surtout - plus direct et moins allusif dans son expression. Une grande part de ses engagements sont tenus : désormais, pour 1,30 € (2,5 € en fin de semaine), on n'en a plus beaucoup.
En revanche, la propension pour l'allusion est toujours vivace. Désormais, elle passe majoritairement par les photos. La présence importante de photographies dans Le Monde ne relève en rien d'un choix éditorial mais d'un investissement hasardeux dans une imprimerie ultra-moderne qu'il faut bien maintenant rentabiliser : le lancement du Monde2 et de Matin plus répond au même souci économique.
La photographie permet désormais à la rédaction du Monde de distiller ses avis, ses recommandations, ses leçons de morale, sans passer par le choix des termes, des tournures, des titres, comme c'était le cas auparavant. Le problème est que l'utilisation de l'image à des fins éditoriales est autrement plus préoccupante que l'instillation d'un opinion dans un article écrit. Même l'allusion réclame une certaine cohérence dès lors qu'on est à l'écrit, sauf à s'écarter de toute pertinence. A une image, on peut faire dire tout ce qu'on veut. On pourra toujours trouver une photo de Gandhi, ou de mère Théresa, les montrant agressifs et menaçants ; il y aura bien un cliché où Hitler, Staline, et Pol Pot, apparaissent patelins et débonnaires.
Utiliser la photographie à des fins éditoriales, c'est se placer dans un champ d'action dont les limites sont formées par la propagande et la manipulation : c'est donc un choix très risqué.