Bien qu'il soit toujours difficile de comparer une élection présidentielle avec une autre, les commentaires vont bon train quant à la "qualité" de l'élection de Nicolas Sarkozy. Le problème est qu'on ne voit pas toujours très bien à partir de quels critères les jugements sont formulés.
Huit élections présidentielles ont eu lieu depuis 1965, date à laquelle le général De Gaulle a fait modifier la constitution de la Vème République pour introduire l'élection du président au suffrage universel direct. Sur ces huit élections (de Gaulle, 1965 ; Pompidou, 1969 ; Giscard d'Estaing, 1974 ; Mitterrand, 1981 ; Mitterrand, 1988 ; Chirac, 1995 ; Chirac, 2002 ; Sarkozy, 2007), Nicolas Sarkozy arrive en seconde position en nombre de voix (18,9 millions), derrière Jacques Chirac qui a obtenu 25,5 millions de suffrages contre Jean-Marie Le Pen. Le résultat de Jacques Chirac en 2002 ne peut pas être intégré dans une comparaison compte tenu du contexte très particulier du second tour, caractérisé par une mobilisation républicaine pour faire barrage au président du Front national. En nombre de voix, on peut donc dire que Nicolas Sarkozy arrive en tête.
Le nombre de voix, pour intéressant qu'il soit, n'est pourtant pas un instrument de comparaison probant, dans la mesure où il doit être rapporté au nombre d'électeurs inscrits (sur les listes électorales), votants (ayant participé au vote) et exprimés (ayant glissé un bulletin dans l'urne).
La plupart des commentaires se fondent sur le rapport entre les suffrages obtenus par le candidat et le nombre de suffrages exprimés. A titre indicatif, en termes de suffrages exprimés, les 53 % obtenus par Sarkozy sont dans la moyenne des présidents, situés entre le maximum de Pompidou (58,2 %) et le minimum de Giscard d'Estaing (50,8 %). Or les suffrages exprimés ne reflètent que très imparfaitement l'attitude du corps électoral. En premier lieu, les bulletins blancs ne sont pas comptabilisés - ce qui explique en grande partie (hors bulletins annulés) l'écart entre le nombre de votants et le nombre de suffrages exprimés. En second lieu, l'abstention n'est pas prise en compte - ce qui explique dans ce cas l'écart entre le nombre d'électeurs inscrits sur les listes électorales et le nombre de ceux qui ont pris part au vote.
C'est la raison pour laquelle, pour estimer la légitimité, la "qualité" de l'élection d'un candidat, il convient de rapporter le nombre de voix obtenues au nombre d'électeurs inscrits et au nombre d'électeurs votants.
Le nombre de voix obtenues par Sarkozy représente 42,7 % des électeurs inscrits sur les listes électorales au moment de son élection. C'est un score moyen : il est dépassé par Mitterrand (1988) avec 52 %, De Gaulle (45,3 %), Giscard d'Estaing (43,8 %), et Mitterrand (1981) avec 43,1 %. Seuls Chirac (1995), avec 39,4 %, et Pompidou (37,5 %) ont un pourcentage inférieur.
Si l'on rapporte le nombre de voix obtenues au nombre de votants, cette fois Sarkozy est très bien placé : avec 50,83 %, il n'est dépassé que par Pompidou (54,5 %) et De Gaulle (53,7 %).
En d'autres termes, si le score total de Nicolas Sarkozy ne doit pas conduire à conclure qu'il est le président le mieux élu de la Vème République, son score rapporté au nombre d'inscrits et, surtout, de votants, le place parmi les présidents bien élus et disposant d'un vrai socle de légitimité.