La permanence du gauchisme dans le paysage poliltique français est une source permanente d'étonnement. Si l'on peut comprendre l'aspiration à la justice, la propension à l'indignation des plus jeunes d'entre nous, même s'en féliciter et s'en émouvoir, on reste tout de même pantois face à la permanence d'un discours archaïque et pourtant omniprésent.
Mai 68 d'abord. A écouter ses défenseurs, on pourrait imaginer le reste du monde occidental encore affligé des moeurs des années 1960, avec une sexualité brimée, un accès barré aux contraceptifs, une hiérarchie sociale figée, cependant que la France voguerait dans l'avant-gardisme culturel et sociétal. Or si l'on regarde autour de nous, l'ouverture des sociétés est - au moins - aussi marquée qu'en France. Comme souvent, la société française a fait le choix d'un évolution révolutionnaire ; cela ne veut pas dire pour autant que les changements qu'elle a connu n'aura pas pu intervenir sans mai 1968.
L'influence du marxisme-léninisme demeure à un niveau très élevé en France, tel qu'attesté par les scores électoraux des candidats s'en réclamant, et - surtout - par la tolérance attendrie des Français pour le méli-mélo idéologique brassant faucheurs d'OGM, écologistes, gauchistes, anti-nucléaires, anti-tout...
Par delà le folklore, c'est toujours une profonde remise en cause du principe démocratique qui est à l'oeuvre. Les slogans lancés par les anti-sarkozystes virulents d'aujourd'hui renvoient à ceux entendus quarante ans plus tôt. Affirmer que les gens n'ont pas bien compris les conséquences de leur vote majoritaire pour le candidat de l'UMP c'est reprendre l'affirmation : "Elections piège à cons" ; c'est aussi continuer de professer un mépris souverain pour le peuple (dont par ailleurs tout le monde se réclame), soi-disant trop bête pour savoir ce qu'il fait, sujet à toutes les manipulations, aux bons mots des grands de ce monde, comme cent ans en arrière on critiquait le suffrage universel au motif qu'il remettait le pouvoir de décider aux masses abâtardies par le vin.
Remettre en cause le résultat de l'élection présidentielle en opposant le "pays légal" au "pays réel" va dans le même sens : la masse a voté mais mal voté, ignorante qu'elle est du complot ourdi contre ses intérêts. Seul, l'élite éclairée et agissante, représentante autoproclamée du pays réel peut lever le voile et révéler au peuple ébahi la réalité de son oppression.
Tout cela relèverait du sourire si, il y a peu, les mêmes arguments n'avaient pas servi de fondement à l'asservissement d'une partie de l'Europe (sans même parler des empires russes et chinois). Nos jeunes enflammés devraient aller demander aux habitants des pays de l'Est s'ils pensent que les élections sont des "pièges à cons" ou s'ils sont enclins à privilégier le pays réel au détriment du pays légal. Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie, Pays baltes, ont payé au prix fort la mise en oeuvre de ces slogans d'un autre temps.