L'achèvement prochain d'un système de boucliers anti-missiles par Israël est peut-être en train de révolutionner, sans bruit, la donne au Proche-Orient, au Moyen-Orient... et au-delà.
De nombreux pays, tout particulièrement européens, avancaient la nécessité d'une solution négociée en ce qui concerne l'aspiration de l'Iran à se doter de l'arme atomique, en tenant pour acquis - avec un cynisme et une certaine lâcheté - qu'au seuil du véritable danger, l'armée israélienne interviendrait et règlerait la question. Ces pays en seraient quitte pour quelques protestations, une condamnation d'Israël, et - en toute discrétion - un énorme soupir de soulagement.
Or il semblerait qu'Israël soit en passe de réaliser ce qu'aucun autre pays n'a fait jusqu'à maintenant, sanctuariser son territoire contre toutes les formes de missiles sol-sol, quelle que soit leur charge et quelle que soit la distance à laquelle ils sont tirés. En d'autres termes, qu'ils viennent de Gaza, du sud-Liban, d'Iran ou d'ailleurs, les missiles seraient interceptés - sans doute, s'agissant de l'Iran, très peu de temps après leur lancement, c'est-à-dire au-dessus du territoire du pays agresseur.
Israël mettrait à profit ce qui a toujours été son handicap en termes de profondeur stratégique : l'étroitesse de son territoire. Il est plus aisé de défendre un espace restreint que de se doter d'un dispositif anti-missiles sur un territoire aussi vaste que l'Europe, les Etats-Unis, la Russie ou la Chine.
Si une telle situation devait advenir, la "carte" israélienne n'aurait plus cours, l'armée israélienne ne pourrait plus être vue comme un recours ultime : on ne voit pas en quoi cette dernière interviendrait en Iran pour éviter que des missiles porteurs de charges nucléaires menacent l'Europe, des Etats arabes ou des bases américaines, dès lors que le territoire israélien serait mis à l'abri de ce danger. Les partisans proclamés du statut quo, des solutions négociés à n'en plus finir qui, d'ultimatums en ultimatums non respectés, laissent le temps à l'Iran de parvenir à ses fins, se trouveraient brusquement confrontés aux conséquences de leur posture, au premier chef la menace de leur propre territoire.
Le second enseignement à tirer de la sanctuarisation du teritoire israélien est que ce bouclier anti-missiles ne pourrait pas se limiter au territoire hébreu stricto sensu. Si l'on prend comme hypothèse la possibilité d'emplois d'armes non conventionnelles (bactériologiques, chimiques, nucléaires), compte tenu de l'exiguité du territoire israélien, il n'est pas envisageable qu'une charge puisse frapper un pays limitrophe, et donc très proche. L'ironie serait donc que le bouclier anti-missiles d'Israël devrait protéger également ses voisins : pays/territoires amis ou neutres (Egypte, Jordanie, Cisjordanie), et d'autres ennemis déclarés (Gaza, Syrie, Liban). En d'autres termes, la protection d'Israël s'étendrait (s'étendra ?) à ses plus farouches adversaires cependant que les pays arabes les plus hostiles à l'Iran, ainsi que l'Europe, se trouveraient exposés à la menace d'une arme atomique perse.