Une nouvelle fois, une affaire d'euthanasie jugée devant les tribunaux vient nous rappeler l'échéance glacante de la fin de la vie et de sa prise en charge sociale.
Encore une fois, des gens pétris jusqu'à l'écoeurement d'intentions pures et louables (de celles qui président généralement aux plus grandes horreurs) ont abrégé l'existence d'une personne au motif que cette dernière l'aurait (ça reste à prouver) demandé. Pourquoi s'arrêter en si bon chemin pourrait-on se dire... Quelqu'un a envie de se suicider mais répugne au passage à l'acte ? Qu'à cela ne tienne, il n'y a qu'à l'aider...
Plus sérieusement, la question de l'euthanasie soulève deux questions majeures, l'une organisationnelle si l'on ose dire, l'autre éthique. Les réflexions sur l'abrègement de la fin de la vie ne pourront être audibles que le jour où la prise en charge de la douleur sera généralisée dans les établissements de santé, dotés alors d'équipes mobiles de soins palliatifs. C'est souvent une douleur insupportable qui conduit les patients à demander que l'on mette fin à leurs souffrances. Convenablement traités contre la douleur, ils retrouvent goût à l'existence.
La question éthique est celle de la légitimité : abréger l'existence d'un être vivant, mais au nom de quel droit ? Derrière l'argument de la souffrance du patient c'est fréquemment la lassitude des familles qui se profile... dans le meilleur des cas. Lassitudes des proches et des familles : le plus terrible dans la maladie est qu'à durer elle finit par susciter irritation, envie d'en finir et culpabilité chez les êtres aimés de celui ou celle qui souffre. Tout ceci dans le meilleur des cas, si l'on peut dire. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt : l'euthanasie légalisée serait la porte ouverte à toutes les dérives successorales. Il suffit de lire ou de relire Le Horla de Maupassant, la description sinistre et criante de vérité des héritiers se grimant et poussant des cris dans la chambre d'une vieille agonisante pour la faire passer de vie à trépas dans l'impatience de posséder son maigre magot.
Cela veut-il dire pour autant qu'il n'est pas des situations où l'abrègement de l'existence peut être justifié ? Les seules réponses à cette terrible question ne peuvent être que collectives, associant patients, familles et soignants - la décision devant revenir à ces derniers, tout aussi collectivement. Toute décision individuelle en la matière devrait continuer à relever des Assises.