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9 mars 2007 5 09 /03 /mars /2007 18:14

La polémique actuelle quant aux chiffres du chômage, puissamment stimulée par la renonciation de l'INSEE à publier ses propres chiffres, est loin d'être récente ; le plus étonnant, même, est qu'elle ne traverse pas de façon permanente le débat public. Rappelons que durant les années 1980, dans certaines agences locales de l'emploi française, on estimait le nombre de chômeurs en mesurant les fiches cartonnées avec un double décimètre. Depuis lors, des progrès techniques ont été accomplis, mais de problèmes conceptuel demeurent.

L'INSEE et l'ANPE mesurent un chômage qui n'est pas totalement identique, d'où le décalage persistant entre leurs deux chiffres. L'INSEE utilise la notion de chômage définie par le bureau international du travail (être sans travail ; être disponible pour travailler ; rechercher un travail de manière effective) ; pour l'ANPE, la définition du chômage est : être sans emploi, disponible immédiatement, et à la recherche d'un emploi à temps plein. Le problème est que cette définition est celle de la catégorie 1 des demandeurs d'emplois qu'elle comptabilise, alors qu'elle répartit les chômeurs inscrits sur ses listes en 8 catégories au total.

Sans entrer dans le détail (on reverra à un article très bien fait : "L'indicateur du chômage", publié dans Les Cahiers Français, n° 286, mai-juin 1998), notons simplement qu'un chômeur qui cherche un travail à temps partiel (catégorie 2 de l'ANPE) n'est pas comptabilisé comme chômeurs... et ne l'a jamais été. Il en est également ainsi d'un demandeur d'emploi cherchant un travail à durée déterminée (catégorie 3).

Le décalage - important à l'époque - entre les deux méthodes de comptabilisation a conduit à l'écriture de deux rapports : le premier, écrit (excusez du peu !) par Edmond Malinvaud sous le titre " Sur les statistiques de l'emploi et du chômage (juillet 1986) ; le second, rédigé par Paul Dubois (INSEE) et Michel Lucas (IGAS), intitulé "Rapport sur les statistiques mensuelles du chômage" et publié en mars 1991. Des efforts ont été entrepris à la suite de ces réflexions pour harmoniser les chiffres des deux institutions, mais l'écart est consubstantiel des divergences entre les concepts.

Plus préoccupant, l'une et l'autre des définitions officielles laissent de coté un volume important de personnes. Cet état de fait a suscité la mise au point d'indicateurs alternatifs du chômage. Dans le milieu des années 1970, la CGT dénoncait déjà la sous-estimation des chiffres du chômage opérée, selon elle, par le gouvernement à des fins politiques. Sa méthode de calcul la conduisit, en 1975, à dénombrer 1,1 millions de chômeurs quand l'ANPE n'en comptait que 700 000.

En 1984, l'ARIES (Association de recherches internationales économiques et sociales), dirigée par Lionel Stoléru, expliquait l'écart existant entre les chiffres de l'INSEE et ceux de l'ANPE par deux causes essentielles : le traitement social du chômage et le traitement politiques des statistiques.

En 1997, CERC-Association, proposait le concept élargi de personnes "privées d'emploi". En ajoutant aux chiffres de l'ANPE les personnes dispensées d'une recherche d'emploi, les chômeurs en formation ou en reconversion, et les préretraités, elle arrivait à un total de 5 millions de personnes "privées d'emploi".

La même année, le Commissariat général du Plan (présidé alors par Henri Guaino), estimait le nombre de personnes "touchées"par le chômage à 7 millions, en ajoutant aux chiffres de l'INSEE : les personnes travaillant à temps partiel subi, celle qui subissent une précarité du travail (emplois aidés, travail temporaire involontaire), les préretraités, les demandeurs d'emploi en formation, ceux qui ne sont pas en mesure de chercher un emploi (problèmes de santé, service national, chômeurs découragés).

Ces indicateurs alternatifs ne sont pas eux-mêmes à l'abri de critiques, mais ils pointent l'inadaptation des outils statistiques à décrire le problème du chômage et du non-emploi. En réalité, le véritable problème est que le chiffre du chômage se voit assigner deux objectifs : indiquer le nombre de chômeur, et décrire l'état du marché du travail. On a pu un temps déduire l'état du marché du travail du nombre de chômeurs mais ce n'est plus le cas. Les indicateurs officiels comme les indicateurs alternatifs omettent un certain nombre d'informations relatives à l'influence du chômage sur le marché du travail, qui ne se résume à la probabilité d'y entrer ou de s'y maintenir. On peut citer comme carence : l'état des relations professionnelles ; les détournements de statut (la "fausse sous-traitance"), l'utilisation excessive des emplois aidés (en particulier leur effet d'éviction sur les emplois "normaux") ; le niveau des salaires...

L'indicateur du chômage est par nature restrictif, ce n'est pas un indicateur à tout faire. Cette question est développée dans un autre article : "Indicateurs du chômage ou indicateurs du marché du travail ?", publié en 2000 dans l'ouvrage collectif Encyclopédie Protection sociale. Quelle refondation ?, publié en 2000 chez Economica sous la direction de François Charpentier.

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commentaires

P
Bonsoir,<br /> Un article fort instructif je dormirais moins bête ce soir...Cela confirme qu'on ne cesse jamais d'apprendre(-:<br /> Vivement les prochains articles!!!<br /> Bonne soirée et bon courage pour votre semaine<br /> Pivoine<br />  
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R
Bonjour,<br /> Merci pour ces commentaires si agréables à lire.<br /> Cordialement,<br /> Robert H.