La France a peur. De l'insécurité ? De l'avenir ? De l'international ? Assez peu, tout compte fait. La France, en fait, a peur d'agir. Cette trouille permanente s'observe à tous les niveaux de responsabilité et dans tous les domaines d'activité. Le plus sûr moyen de ralentir une carrière professionnelle aujourd'hui est d'être débordant d'idées et d'initiatives, de bousculer les idées reçues, d'oser, d'entreprendre.
Nous nous sommes installés dans l'ère de l'ouverture du parapluie, de la ceinture et des bretelles. Tout les prétextes sont bons : la crainte de renverser les hiérarchies, la peur des petits chefs d'être débordés par leurs subordonnés, la peur des syndicats (ah... les syndicats, quelle merveilleuse excuse pour ne rien faire...), la peur, la peur, la peur... la France est transie de peur.
Beaucoup d'explications peuvent être apportées à ce phénomène pour le moins étonnant. On avancera ici que nous payons aujourd'hui la succession de quatre mandats présidentiels "contemplatifs". En France, tout vient du haut. On peut s'en féliciter ou le regretter, mais c'est ainsi ; et il y a peu de chance que cela change à court ou moyen termes. Tout vient du sommet de l'Etat, du président de la République, donc.
Or, durant les vingt-cinq années qui viennent de s'écouler (trois septennats et un quinquennat), les deux présidents de la République qui ont dirigé la France ont montré qu'ils avaient comme point commun la conviction que le pouvoir politique est impuissant à modifier la société, qu'il ne peut qu'accompagner les changements en cours en brusquant aussi peu que possible le corps social. Ajoutons que ce n'est pas propre à la France : le président Clinton était du même bois, qui a déclaré dans un de ces accès de franchise qui le caractérisaient n'avoir quasiment aucun possibilité d'inflexion sur la vie du pays qu'il dirige.
Cette philosophie de l'impuissance, et donc du renoncement, s'est imprégnée durant un quart de siècle dans notre pays : rien ne sert d'essayer puiqu'au final les choses se feront d'elles-mêmes. On rappelle souvent la formule prêtée à Henri Queille, président du conseil sous la IVème République : "Il n'y a pas de problèmes qu'une absence de solution ne puisse résoudre." L'idée n'est pas absurde : il est parfois des problèmes qui se résolvent par eux-mêmes sans qu'un volontarisme débridé soit nécessaire. Le problème vient de l'installation permanente de cette théorie au plus haut niveau de l'Etat, c'est cela que nous payons aujourd'hui.
C'est à cette aune aussi qu'il faut juger les candidats à l'élection présidentielle. C'est en regard de ce critère qu'il faut évaluer les critiques faites à Nicolas Sarkozy : c'est parce que sa philosophie de l'action s'inscrit en totale contradiction avec les moeurs politiques installées en France qu'on lui prête des travers de fébrilité, d'agitation, de nervosité. En comparaison de l'immobilisme passé, sa soif d'action est en effet tonitruante. C'est - à l'inverse - précisément pour cette raison-là qu'il va recueillir de nombreuses voix bien au-delà de son camp, et même issues des rang de la gauche, dès le premier tour.