Les profanations de sépultures, comme à chaque fois, soulèvent le coeur, révoltent et embuent les yeux de larmes. Pourquoi, pourrait-on se demander, être à se point affecté par l'irrespect marqué à ceux qui ne sont plus alors que le sort des vivants serait autrement plus important ?
Le respect dû aux morts, aux dépouilles, est une part inaliénable de notre humanité. Quelle autre espèce vivante procède ainsi ? Respecter les sépultures, c'est admettre que le combat de la vie a cessé, que celui qui est mort n'a plus les moyens de se battre, de se défendre, de se protéger. Protéger les morts, c'est protéger les faibles, c'est admettre l'humanité de l'Autre, et par là-même la sienne et les engagements qu'elle réclame. Admettre son humanité, c'est reconnaître certaines des valeurs communes à l'espèce humaine. Les sociétés, les époques, les gens qui ne respectent pas les morts témoignent concomitamment autant de mépris pour les vivants.
Les profanations de sépultures sont une insulte à notre humanité, la marque indigne de la permanence de la barbarie dans le corps social. Quoi de plus lâche que de s'attaquer à un mort ? Briser une tombe, ou ne pas s'indigner qu'elle le soit, c'est faire la preuve de l'existence dans l'âme du coupable, ou au sein de la société à laquelle il appartient, des ressorts qui mènent au génocide : par delà la haine, c'est la volonté même de la dénagation de l'existence de l'Autre qui se manifeste, même dans la mort.
Les nazis ont inauguré leur oeuvre sinistre en pavant les rues allemandes de pierres tombales juives ; ils l'ont close en brûlant les corps de leurs victimes pour leur dénier la dernière part d'humanité qui leur restait... leur corps ou leur nom. Certaines tombes sont vides, seul le nom y figure pour attester de la présence sur terre de celui qui fût, de son appartenance à l'Humanité.
Enterrer les morts, respecter leur dépouille, leur tombe, le nom qui est inscrit dessus, c'est admettre et faire sien le socle inaliénable du statut d'être humain.